Témoignage de John M. Galione - avril 1945
Découverte des camps de concentration de
DORA et de NORDHAUSEN
Traduction du témoignage, dicté à sa fille, du soldat
John M. Galione membre de la 104e Division US
d'Infanterie Timberwolf 415e Régiment, Compagnie B
Le 4 et le 5 avril:
Nous sentions une odeur. À cette époque une rumeur circulait, selon laquelle
les nazis maintenaient des prisonniers dans un campde travail. Quelque chose
me disait que l'odeur avait une relation avec ces prisonniers ... que l'une et les
autres étaient liés. Je demandai la permission à mon sergent d'aller y voir et
d'en sortir ces gens. Je voulais y aller avec trois ou quatre copains auxquel je
me raccrochais toujours. En fait, nous étions cinq, mais trois d'entre nous
étions toujours ensemble. Nous veillions l'un sur l'autre et nous nous sentions
bien ensemble, nous avions été bons, ensemble dans la bataille. Nous nous
faisions mutuellement confiance. Le sergent répondit: c'est trop dangereux. ll
n'y a pas assez d'hommes à y envoyer et nous ne savons même pas où les
nazis gardent les prisonniers.''

Je ne sais pas ce qu'il y avait mais, pour une raison inconnue, je ne pouvais
pas abandonner. Comme la journée passait, quelque chose m'encourageait à
poursuivre mes recherches. Je tentai de discuter avec les copains à propos
de l'endroit où les nazis pouvaient garder les prisonniers mais, ils ne voulurent
pas en parler. Ce n'était pas qu'ils furent paresseux ou lâches ou encore non
coopératifs. En fait notre peloton était reputé le plus tenace de l'infanterie.
Nous avions combattu durement et remporté de nombreuses victoires.
Certains hommes de notre groupe étaient déja des héros. Mais je savais ce
qu'il en était lls en avaient marre de la guerre. (Papa dit ceci avec
compassion, se rappelant combien ils avaient été marqués par l'expérience de
la guerre jusqu'à ce jour.) Le 4 avril, nous revenions tout juste d'une marche
de 75 miles après des mois de bataille discontinue. Nous avions besoin de
recuperer après tout ce que nous avions vécu. Nous avions combattu
durement et avions vu mourir sous nos yeux tant de nos camarades. Cela
nous affecta psychologiquement. J'étais debout à côté de mon meilleur ami
Steve, quand il buta sur une mine qui explosa. Aprés cela je passai un dur
moment.

Ceux qui étaient touours en vie le 4 avril à ce stade de la guerre, pouvaient
s'estimer heureux. Certains d'entre eux avaient une famille au pays. lls ne
tenaient pas a prendre des risques. Je le sais, parce que je ressentis la meme
chose. J'avais une petite fille à la maison et j'étais fatigué. Mais quelque chose
me poussait à trouver les prisonniers. Je pressentais viscéralement que
quelque chose d'horrible se passait. Un seul copain voulut bien en parler avec
moi et il était également un véritable ami. Alors on se comprit.

"Si seulement nous pouvions trouver comment les Allemands amènent les
prisonniers, nous pourrions les intercepter, les tenir en respect et les forcer á
nous mener au camp", dis-je. Nous nous interrogions: "Quel serait le meilleur
moyen pour les nazis d'introduire un grand nombre de prisonniers, furtivement
au camp sans être vus?

Les Trains!! Nous comprîmes qu'ils arrivèrent par le train! Durant toute cette
journée, quelque chose de lancinant me harcela ... me disant de continuer et
de suivre les trains. Le soir venu, ce sentiment était si fort que je sus qu'il ne
me serait pas possible de dormir cette nuit-là et que le temps était venu d'agir.

Je pensai: "Si je pouvais trouver le camp pendant la nuit, pendant que tout le
monde dort, je pourrais rapporter l'information au sergent demain matin. ll
sera alors d'accord de nous y envoyer afin d'y libérer ces gens." Je ne pouvais
m'empêcher de penser, que s'il y avait des prisonniers, les Allemands les
torturaient d'une maniere ou d'une autre. Si j'etais prisonnier, j'aimerais que
quelau'un s'occupe de moi et vienne me voir.

Cette nuit-là, il était 9h ou 9h30, quand tous les soldats furent dans leur sac de
couchage, alors je leur faussai compagnie afin de suivre les trains. Avant de
partir je dis à un de mes camarades d'informer le sergent que j'étais parti
dans le but de localiser le camp. Ainsi, si je ne pouvais revenir dans les temps,
il saurait où j'étais et ce que je faisais. Vous voyez j'étais pratiquement certain
que nous avions raison de penser que les nazis utilisaient les trains comme
moyen de transport pour les prisonniers. Ainsi, je projetai de sauter sur le
train qui transportait les prisonniers et d'en intercepter les gardes nazis. Je
savais que les Allemands utilisaient, au plus 2 gardes pour cette tâche et je
savais que je pourrais maîtriser la situation. J'avais fait prisonniers plusieurs
nazis quelques semaines plus tôt (voyez l'article Roer River crossing news et
la citation d'étoile de bronze.) J'avais l'intention de menacer le garde de mon
arme. Personne ne désire mourir. Avec sa vie en jeu, je savais qu'il me
montrerait le camp. Même s'il était avec un collègue, je savait que celui-ci ne
voudrait pas qu'il meure. Je savais qu'ils me montreraient le camp.

Je marchai et marchai encore, toute la nuit. Les heures passaient. J'étais
épuisé parce que nous revenions de cette longue marche. Mes jambes étaient
fatiguees. Je commencais à penser que je faisais erreur. Quand je vis qu'il n'y
avait aucune activité auprès des trains, je commencai à penser à rebrousser
chemin. Mais, alors que j'étais sur le point de partir, je fus subjugué par
quelque chose. Je ne sus pas ce que c'était. Mes jambes continuaient de
marcher. C'était comme si suequ'un me poussait. J'ignore d'où pouvait bien
venir mon énergie. Mes jambes étaient fatiguées, mais quelque chose me
faisait marcher, me disant de continuer à suivre les trains et d'une facon ou
d'une autre me donnait la force de continuer à avancer. Tandis que je marchais
je me demandais dans quelle sorte d'ennuis je me trouverais si je n'étais pas
de retour le matin. Mais quelque chose me disait de continuer à suivre les
trains. L'impression etait si forte, je ne pouvais m'en dégager.

Le 9 et le 10 avril je suivis les trains pendant des miles et trouvai un fourgon
vide qui puait affreusement. Après cela, je trouvai un wagon rempli de
cadavres. L'odeur était épouvantable. D'où je me trouvais, je pouvais voir une
entrée de tunnel, cachee sortant du flanc d'une montagne. C'est ainsi que je
sus que j'avais trouvé quelque chose d'important que les nazis tentaient de
garder secret. Je savais que les Allemands avaient une raison valable de
vaincre les difficultés qu'il y avait de construire une entrée cachée dans une
montagne.

Tandis que je fouillais les environs du tunnel et les corps, essayant de trouver
des signes d'identifications, un insigne, un uniforme quelqu' indice qui me
dirait s'il s'agissait de cadavres de Russes, d'Allemands ou de soldats
américains, je fus repéré par un garde allemand qui semblait vouloir partir. Je
l'avais déjà vu auparavant, arrimant des marchandises sur son camion. Je
tâchai de rester calme tout en bougeant les cadavres esperant d'y trouver
quelque chose qui me dirait qui étaient ces gens. Mais mes jambes étaient
faibles d'avoir marché pendant des jours sans sommeil. Au moment où je me

penchai, je perdis pied. Mon fusil cogna une paroi et mes cartouches
tombèrent, cela fit du bruit. Si je n'avais été aussi fatigué, j'aurais fait plus
attention et cela ne serait jamais arrivé.

ll m'entendit et tira sur moi. J'allai m'abriter au-dessus du tunnel ... à peu près
où les trains devaient passer. C'est là qu'il aurait été bon d'avoir un soldat qui
m'aurait couvert. C'était dur de grimper là-haut et cela me prit du temps.
J'aurais pu facilement avoir été tué pendant cette ascension. Je ne compris
pas comment il me manqua. Nous échangeâmes des coups de feu pendant un
moment puis il parut me laisser aller. ll avait hâte de sortir de la. Je ne crois
pas non plus que les Allemands avaient envie de mourir en cette fin de guerre.
Mais pendant un moment, je ne me crus pas capable de m'en sortir.

Je me trouvais devant une barrière verrouillèe par une grosse serrure. C'est la
manière employèe par les nazis quand ils voulaient vous garder prisonnier.
J'avais observé cela lorsque nous avions libéré nos propres hommes. lls vous
mettaient derrière une barrière et vous y enfermaient grâce à une forte serrure.
J'imaginai que ce fut le camp où les nazis gardaient leurs prisonniers mais il
me fallait aller à l'intérieur pour mener mes investigations plus avant. J'étais là
depuis un certain temps essayant de casser la serrure mais je ne voulais pas
m'éterniser sans soldat pour me couvrir et sans jeep pour m'échapper. J'avais
vu des personnes m'observer depuis l'arrière d'un bâtiment mais comme je ne
savais pas qui elles étaient et ce qui se tramait là, je ne voulus pas rester là.
Cet endroit etait mauvais. Aucune possibilité de fuir. Rester là, aurait fait de moi
une cible facile.

Je ne craignais pas seulement la mort mais également le fait que j'emporterais
des informations en mourant. En temps de guerre, vous devez raisonner ainsi.
Je devais rester en vie afin de pouvoir transmettre ce que j'avais découvert,
surtout si j'avais trouvé des prisonniers. Tout en essayant de tordre la serrure,
je me souvins d'avoir rencontré des soldats américains d'un autre groupe
pendant mon ascension. J'avais repéré de loin leur compement. Je décidai de
marcher dans leur direction et, de voir si je pouvais obtenir une jeep ou mieux,
un soldat.

ll était 3h ou 3h30. (4h30) Cela m'avait pris toute la nuit, le jour suivant, le jour suivant
...et encore une partie du jour suivant pour aboutir ici. (Papa suivit les trains
depuis le soir du 5 avril jusqu'à ce qu'il trouva le camp de Dora le 9 ou le 10
avril.) Pendant tout ce temps je n'avais pas dormi, aussi je cherchai un endroit
sûr dans les bois où j'aurais pu prendre quelques heures de sommeil. ll était
environ 5h30 quand je trouvai un endroit où je serais en sécurité. Je sentais
que je ne pouvais aller plus loin, que j'étais épuisé et à bout de force. Quand
je me réveillai, l'heure était parfaite pour continuer car il faisait nuit. C'est ainsi
que nous fîmes la guerre. Nous avions été entraînés a marcher la nuit. De cette
facon vous pouvez avancer plus vite et sans être vu. Je commencais à marcher

dans la direction où je me rappelais avoir vu les soldats. C'était le même type
de soldat que moi mais d'un autre groupe..

Ce fut un miracle. En route je repérai un soldat avec une jeep en panne sur le
côté de la route. j'allai vers lui, regardai la jeep et souris. Cette jeep était
comme une prune prête à être cueillie. En repensant à tout cela, je réalisai que
Dieu m'avait aidé à sauver les prisonniers plus vite parce qu'ils étaient au bout
du rouleau. Seulement à ce moment-là, je l'ignorais. Voilà que j'avais trouvé les
prisonniers et voici qu'une jeep m'était livrée au bord de la route avec un pépin
mécanique mais très facile à réparer! Vous voyez, avoir trouvé une jeep
m'épargna pas mal de temps de marche et accéléra le sauvetage des
prisonniers. Lorsque nous les avions découverts, ils étaient dans un tel état
que chaque seconde comptait.

Je dis au soldat que j'avais trouvé quelque chose d'énorme que les nazis
faisaient, mais que je ne savais pas exactement de quoi il s'agissait. Je lui dis
que s'il me laissait utiliser la jeep et m'accompagnait afin de m'aider à casser
la serrure, que je lui réparerais la jeep. ll dit qu'il ne pouvait pas venir car il
avait à accomplir des corvées pour lesquelles il était déjà en retard à cause de
la panne. Je lui dis que je l'aiderais à faire ses corvées mais lui expliquai qu'il
était urgent qu'il vint avec moi. Je lui racontai que j'avais découvert un wagon
rempli de cadavres et que nous devions enquêter sur la nature de ceux-ci:
s'agissait-il de Russes, d'Allemands ou de nos propres soldats américains?
On retourna en jeep vers son peloton pour expliquer à son sergent ce que
j'avais découvert et pour lui demander la permission qu'il puisse venir m'aider
a casser la serrure. ll désirait emmener un de ses copains que l'on emmena.

(11 avril 1945: Mon père et les soldats allèrent ensemble en jeep jusqu'aux
barrières de Dora. Papa dit qu'ils étaient trois d'entre eux, cette nuit, essayant
de casser la serrure de la barriere. ll dit aussi, l'un d'entre eux était assis dans
la jeep, faisant le guet, ainsi je ne sais pas s'il était le 4e soldat ou bien un des
trois. Mon père fut le premier soldat américain qui découvrit le camp de Dora,
mais Papa et les soldats qu'il ramena avec lui furent les premiers soldats
américains à pénétrer dans le camp et à temoigner des horreurs
indescriptibles dans l'enceinte du camp.)

On travailla un peu sur la serrure qui s'ouvrit. (Papa sourit.) On pénétra dans le
camp en roulant lentement d'abord, tout en regardant autour de nous. Le soleil
ne s'était pas encore levé mais son rayonnement commencait à éclairer la terre, ce qui nous permit d'y voir un peu plus clair dans le camp. (Les yeux de
Papa s'ouvrirent tout grands.) Ce que nous vîmes là tenait du film d'horreur. ll
y avait des cadavres, mais ceux-ci n'étaient pas des cadavres normaux; ils
étaient gris et ressemblaient à des squelettes emballés de peau. Nous
arrivions à un point près d'un coin, où nous fûmes obliges de faire faire
demi-tour à la jeep. Alors quelqu'un qui ressemblait aux acteurs du film
d'horreur, courut vers nous en pointant du doigt un des bâtiments et dit
quelque chose comme: "ll y a des gens là-dedans". Le soldat dans la jeep
mous fit la traduction.

Nous étions tellement effrayés par ce que nous avions vu que nous repartimes
en marche arrière à toute allure. Le gars qui conduisait la jeep ne voulut même
pas prendre le temps de tourner la jeep avant que nous n'ayons quitté le camp
...et que nous ayons rejoint la route. Nous avions si peur d'être
captures. (Tandis qu'il se souvenait de ce qu'il avait vu, papa ouvrait les yeux
tout grands.) Nous n'avions qu'une idée: décamper de là. Nous ne savions pas
ce qui se passait là et n'avions pas envie de finir comme les gens que nous
avions vus. Les Allemands avaient déjà abandonnés les prisonniers, ce que
nous ignorions à ce moment-là. Pour plus de sécurité, nous devions revenir en
plus grand nombre.

Je n'ai pas dû refaire la route du retour à pied. (ll sourit.) Les soldats me
reconduisirent auprès de mon sergent. Je racontai à celui-ci tout ce que j'avais
découvert dans le camp. Les cadavres, les gens, tout. ll ne voulut toujours
pas y aller. ll invoquait la raison du garde allemand qui m'avait vu. je compris
sa crainte d'une embuscade mais ne compris pas qu'il ne voulut pas y aller du
tout. Nous devons y aller! Nous pourrions prendre une autre direction mais
nous ne pouvions pas ne pas y aller. Je dis: Écoutez, j'ai trouvé un wagon
remplis de cadavres puants qui n'ont pas d'uniformes. Nous devons savoir qui
sont ces gens. pour autant que l'on sache il pourrait s'agir de nos propres
boys américains! J'étais ému! Le lendemain ils nous envoyèrent sauver ces
gens. Je n'y croyais pas encore. J'avais initiallement demandé la permission
d'y aller à trois afin de sauver ces gens et ils envoyèrent toute une équipe! lls
prirent des hommes d'endroits différents. Des tanks, des équipes médicales,
la Croix-Rouge et la 414e ... J'étais si heureux! Je n'aurais pu demander mieux.

Entretemps, un autre miracle se préparait. Le sergent me demanda d'indiquer
par radio à la Troisième Division Blindée la direction du camp de Dora. Vous
voyez, la Troisième Division nous avait aidés en d'autres circonstances
pendant cette guerre. lls étaient plus près que nous du camp de Dora et ils

allaient devoir prendre d'autres chemins que nos hommes. Mais lorsque je
leur indiquai la direction du camp de Dora. j'oubliai de considérer la direction
d'où ils viendraient. Après tout, je n'avais pas progressé par la route mais bien
à travers bois. J'étais fatigué et j'omis de leur indiquer "le virage de la route".
Grâce à cette meprise il y eut un autre miracle car ils manquèrent le camp de
Dora. En revanche ils tombèrent sur l'usine hitlérienne de V2 et 500 prisonniers
supplémentaires dans un second camp, distant de quelques miles du camp
appelé Dora, celui-ci était Nordhausen. lls conduisirent leurs tanks jusqu'à
l'enceinte de barbelés. Ce camp était encore pire que celui que j'avais
découvert. ll y avait là des enfants et de tout. lls y trouvèrent des ossements
de bébés et de petits enfants qui avaient été brûlés ... c'était si horrible, que je
ne veux même pas en parler.

Le 12 avril 1945.
La libération de Mittelbau -Dora. Le soldat Galione tue des cochons pour faire
de la soupe.
"On pensait que rien ne pouvait plus nous affecter. Nous étions endurcis par la
guerre. Mais lorsque nous fumes arrivés, nous ne pouvions nous empêcher de
suffoquer. J'avais vu la veille, aussi je savais a quoi m'attendre. Certains
soldats se mirent à pleurer et certains en eurent l'estomac retourné. Vous
savez, ils se retournerent et vomirent contre la clôture".

ll y avait des cadavres empilés. L'odeur était épouvantable ... comme rien de
ce que vous pouvez imaginer. Nous ne pouvions croire à une telle cruauté
venant d'êtres humains. Les gens étaient si heureux de nous voir; ils tiraient
sur nos vêtements, palpaient le tissu de nos uniformes comme si c'était de
l'or. (Papa se mit à pleurer.) lls voulaient seulement nous toucher. lls nous
remerciaient, nous etreignaient; certains d'entre eux joignaient les mains et
remerciaient Dieu, encore et encore. lls étaient si heureux de nous voir.
J'imaginais que nous étions la réponse à leurs prières. lls ressemblaient à des
morts-vivants. lls n'avaient que la peau et les os. C'est tout. Pas de chair.
Leurs visages étaient ceux de squelettes. Certains d'entre eux étaient si faibles,
qu'ils n'étaient pas capables de se rendre compte de leur sauvetage. lls
mouraient à la sortie. (Papa s'arrêta pour pleurer.) Si seulement j'avais su ...
peut-être aurais-je pu agir différemment et être là plus tôt. lls étaient si faibles
que nous devions les porter dehors.

Nous devions immédiatement leur trouver de la nourriture. J'étais tellement
désolé ... Je courus vers une ferme proche que j'avais remarquée laveille du
sauvetage, quand je cherchais le camp. ll y avait là une femme allemande sur
son cheval. Je lui fis comprendre que je voulais tuer les deux cochons qui se
trouvaient derrière elle. Je choisis des porcs parce leur abattage était plus
rapide et plus facile et ceux-ci représentaient en proportion une plus grande
part de viande. Elle refusa en allemand. Je visai alors son cheval, lui faisant

comprendre que je tuerais le cheval si elle me refusait les cochons. Je lui
demandai en allemand de s'exécuter immédiatement. Vous faites ce que vous
avez à faire au cours d'une guerre. J'étais prêt à me débarrasser d'elle si
j'avais dû le faire. Elle représentait une vie, alors que des centaines de gens
mouraient dans le camp.

Elle ne parlait qu'allemand mais comprit le langage de mon fusil. On les
égorgea au milieu de sa cuisine, mon fusil sur le comptoir pres de l'évier.
J'emballai la viande et pris le pain sur la table. J'empaquetai autant de
nourriture que je pus en porter sur mon dos; on fit une sorte de soupe car ils
étaient trop faibles pour manger. La viande était si lourde. J'arrivais à peine à
la rapporter au camp. "Les nazis sont les gens les plus cruels qui ont jamais
vécu, je pensai. Apres avoir vu ce qu'ils ont fait à ces gens, vous savez que le
diable existe."

Les prisonniers ont été très proches de mon père pendant de nombreuses
années. Avant de mourir il me demanda de raconter cette histoire. "je veux
qu'ils sachent tous les miracles qui se sont produits pendant que je les
cherchais", dit-il. "lls ont prié si fort et si longtemps d'être sauvés, je veux
quils sachent que Dieu ne les avaient pas oubliés. Je me souviens de ces
pauvres gens et de leurs silhouettes si effrayantes et je me demande combien
parmi eux ont survécu et s'ils ont été en mesure de vivre normalement après
ce qu'ils avaient traversé."

Concernant les milliers de prisonniers que moururent et il y avait tant de
cadavres dans le camp qu'i fallut des jours pour les enterrer. Les citoyens
allemands furent obliges d'exécuter ces tâches, à la pointe du fusil. Quand ce
fut fini, mon père et quelques autres soldats se tinrent près des tombes, ils
pleuraient.)

"Nous voulions leur rendre hommage", dit papa, "nous étions tellement désolés
de la facon dont ils étaient morts".

(John M. Galione était membre de la 104e Division d'Infanterie Timberwolf,
415/B, Troisième Peloton. Son parcours et ses découvertes sauverent des
milliers de personnes en trouvant deux camps remplis de milliers de
prisonniers morts de faim et de centaines à qui il ne restait que quelques
heures à vivre. ll fut à l'origine de recherches rapides et dilitentes concernant
les prisonniers et les camps. D'après mon père, Buchenwald et plusieurs de
ses camps extérieurs furent alors découverts et libérés. L'histoire de papa n'a
jamais été racontée auparavant. Quand il mourut, je lui rendis hommage par la
création de ce site web.)
Copyright © 2000 Mary Galione-Nahas.
All rights reserved.
Traductions:
Yves Beon and Marie Claire du Bois
secretaire de l'Amicale des Prisonniers
de Dora et Kommandos
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